C'est donc le 1 et 2 mars 2023 que se tenait à Libreville, au Gabon, le premier Sommet international pour la protection des forêts tropicales, avec en tête d'affiche le président français Emmanuel Macron et le cheffe de l'état gabonais Ali Bongo Ondimba.
Pour cette 6ème édition du Sommet, les décideurs politique du monde et les entreprises du bois ont fixés des objectifs éthiques dont la portée sociale, environnementale et économique feraient un grand bien aux populations locales.
Des engagements ambitieux, mais qui manquent de transparence sur le long terme.


Des promesses pour un accord juste entre les états exportateurs et importateurs de bois


Le plan de Libreville se présente comme un accord entre "la communauté internationale et les états forestiers". Nous préférons parler d'accord entre les états exportateurs et importateurs de bois car le cœur de cet accord réside dans le flux de cette matière première, entre les états occidentaux et les états forestiers tropicaux. Ainsi, le plan s’engage à stopper et inverser la déforestation d'ici 2030 afin de préserver les forêts tropicales, principaux puits de carbone à l'échelle de la planète, et afin de lutter efficacement contre les effets du dérèglement climatique.

Le plan va plus loin, puisqu'il invite au respect du principe de cohabitation entre l'Homme et la Nature, impliquant une gestion durable de la forêt et de ses ressources au profit des populations locales. Cela signifie que les populations locales devraient être au cœur des opportunités économiques pouvant émaner des ressources forestières. Parmi ces opportunités, il y a la bioéconomie et la transformation locale des produits issus de la forêt. Un accent est également mis sur la protection des espèces forestières vitales dont la dégradation aurait des conséquences irrémédiables. C'est le cas des mangroves, des tourbières et des espèces parapluies que sont les gorilles, les éléphants et d'autres espèces de cette catégorie.

Enfin, le plan met la justice sociale au centre de ces préoccupations en proposant aux États le souhaitant d'inscrire dès 2024 les savoirs et les traditions ancestrales des peuples forestiers à la liste du patrimoine mondiale de l'UNESCO. Ceci sera possible grâce à la coalition "One Forest Guardian" lancé par la France, l'Ouganda et le Gabon.

Des promesses de valorisation des efforts des états forestiers en matière de préservation des forêts, un autre principe du pollueur-payeur ?


La rémunération des efforts des pays forestiers pour protéger les forêts fait partie des promesses étonnantes de ce Sommet. Etonnantes car elle rappelle le principe du pollueur-payeur développé au début du XXème siècle par l'économiste libéral Arthur Cecil Pigou. Ce principe découlant de l'éthique responsable a été repris tout au long du siècle dernier jusqu'au début du 21ème siècle comme LA solution aux effets non désirés de la surconsommation : les gaz à effet de serre.
Ce fut un échec royal surtout du côté des américains qui ont vus là un frein au capitalisme. Pour les européens, ce principe a été pris en compte dans une directive de la Cour des Comptes de 2004. Cependant, la mise en application de ce principe reste caduque par manque de moyens et les divers degrés d'application d'un état à l'autre. La France quant à elle, a inscrit ce principe dans le code de l'environnement, annonçant dans l'article L110-1 que " les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci sont supportés par le pollueur". En d'autres termes, les pollueurs doivent supporter les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs propres activités y compris le coût de mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer cette pollution.

Sauf qu'ici, le plan parle de "rémunération des services rendus au reste du monde par les pays forestier", une rémunération dont le montant est fixé unilatéralement par les pays pollueurs comme un "petit un geste de remerciement", comme un encouragement à faire ce qu'on dit et non ce qu'on fait.
Le plan fait également allusion à la mise en vente de crédit carbone, une autre notion parallèle au principe de pollueur-payeur. Ici encore se sont les états forestiers qui vendront leurs surplus de carbone. Le risque est de permettre aux entreprises de polluer davantage en se dotant de ces crédits, et sur le long terme, de contraindre les populations de ses pays à rationner leur credit carbone au profit des grands pollueurs. On assiste donc peut-etre à la création d'une nouvelle injustice sociale et économique. Selon Simon Councell, chercheur indépendant spécialiste des forêts et ancien directeur de l'ONG Rainforest, cette méthode est peu bénéfique pour le climat, par contre elle reste un outil artificiel qui permet aux entreprises privées et aux États, dont le Gabon, de se positionner en défenseur de la planète.

Des promesses pour des chaînes de valeurs plus durable et la création de 10 millions d'emplois d'ici 2030


Une expertise scientifique, la "One Forest vision" visant à mieux connaître la valeur de la forêt en cartographiant dans les 5 prochaines années les réserves vitales de carbone et de biodiversité mondiale. Cette initiative permettra de garantir la durabilité de la chaîne de valeur du bois. À cela s'ajoute l'initiative 10BY30 visant à créer 10 millions d'emploi d'ici 2030 grâce à la formation, la décarbonisation et les investissements. Les populations locales toucheront directement les retombés, du moins c'est l'objectif.

Ci-dessous, les 11 objectifs de l'initiative 10BY30 :

1. Développer des plantations dédiées à l'utilisation du bois de chauffage pour freiner la déforestation.
2. Favoriser l'agroforesterie couplée à des activités agro-industrielles pour faire progresser les solutions innovantes, améliorer l'autosuffisance
alimentaire et augmenter les exportations.
3. Aider les gouvernements à développer l'aménagement du territoire pour protéger la biodiversité et réduire la production de charbon de bois.
4. Promouvoir des normes industrielles harmonisées sur les questions environnementales sociales et de gouvernance aux niveaux local et
mondial.
5. Adopter les principes de l'économie circulaire dans nos chaînes d'approvisionnement, en favorisant les synergies pour accroître l'efficacité des ressources.
6. Investir, aux côtés des gouvernements, dans des programmes de développement des compétences et dans des centres de formation professionnelle en partenariat avec les gouvernements locaux, en augmentant ainsi l'employabilité.
7. Réduire l'intensité des émissions de carbone des produits grâce au suivi des émissions de gaz à effet de serre, à l'adoption de solutions technologiques à émission de carbone faible ou nulle dans l'ensemble de nos chaînes d'approvisionnement, et au rapprochement des chaînes d'approvisionnement des ressources naturelles et des consommateurs.
8. Mettre en œuvre des activités forestières durables et des programmes de conservation des forêts.
 9. Promouvoir des solutions de traçabilité renforçant la confiance, l’efficacité et la durabilité.
10. Favoriser les partenariats public-privé débouchant sur des transferts de technologie, sur le développement de compétences et sur des investissements.
11. Collaborer avec les initiatives et les plateformes mondiales et régionales existantes afin d'apporter une nouvelle dimension et une plus grande durabilité.

Tableau des promesses des entreprises présentes

Acteur Public/Privé Zone  Secteur Engagement  Echéance
Gabon, France, Canada, Canbogde, Cote d'Ivoire, République du Congo, Ouganda, Royaume-Uni, Zambie. Public Pays respectifs Bois et aménagement du territoire Remplacer le béton et le ciment. Transformer les stratégies d'urbanisation africaines. Non précisé
SouthBridge Investments en partenariat avec EuraZeo Privé-Public Pays respectifs  Reforestation et restauration Fond de 2 milliards d'euros  Précisions lors de la COP28 à Dubai
Eramet et filiale Comilog Privé  Gabon Reforestation et Energie  Projet Biomine : Bioréducteur à base de biomasse à utiliser dans les fours métallurgiques. Et, plantation de forets pour contribuer à une économie forestière dans le Haut-Ogoué, au Gabon. Non précisé
Cosmetic valley Privé Bassin du Congo  Cosmétopée Dotation financière de plus de 500 000 euros pour l'étude de la cosmétopée forestière dans le bassin du Congo pour la mise en place de stage, thèses de doctorat et post-doctorats. Non précisé
Touton  Privé-Privé Cameroun et Bresil  Bioéconomie et Carbone Accompagnement des start-ups  dans leurs modèles. -
Kermap Privé Monde Santé et Gestion des forets Annonce le lancement de sa solution pour la gestion durable des forets et la prévention des risques sanitaires : Nimbo. -
Rougier et Flying Whales Privé Gabon Bois  Accords startégique pour étudier les applications de la technologie de Flying Whales : Transport/débardage de bois en foret par ballon dirigeable , sans empreinte au sol et avec des émissions carbones limitées. Non précisé
Valgo  Public-Privé Gabon  Aménagement territorial Réalisation d'une étude de réhabilitation de la décharge de Mindoubé. Résultats remis à Libreville.   
Arise  Privé Afrique centrale et ouest Reforestation et Energie Développer des plantations de bois énergie au Gabon ( 3000 ha), en RDC 3000 ha), au Congo (3000 ha), au Togo ( 2000 ha) au Benin (3000 ha). 100 millions de dollars pour soutenir les PME. Signature d'un MoU avec OKALA pour contribuer au suivi de la biodiversité au Gabon, fiancé à 80% par ATIF co-actionnaire d'ARISE. A partir d'Avril 2023. 
Flying Whales et Gabon Special Economic Zone

Privé-Public

Gabon  Transport, logistic Doter le territoire gabonais d'un service de transport aérien de marchandise sur l'ensemble du territoire, toute l'année. Discussion pour Flying Care :  le déploiement du programme hôpital mobile aéroporté. Non précisé.