Du 4 au 8 septembre 2023 s'est tenue à Nairobi, le Sommet Africain pour le climat. Un événement de classe mondiale coorganisé par l'union africaine et le gouvernement du Kenya. L'objectif de ce sommet étant de Dégager des solutions novatrices de croissance verte et de financement climatique pour le monde.
En dehors de ces deux thèmes, deux autres thématiques tout aussi importantes ont fait l'objet de discussions à travers des conférences, des séminaires, et des tables rondes. Il s'agit de la mise en place d'actions en faveur du climat, du développement économique du continent, et de l'optimisation du capital global. De manière générale, cet évènement est historique pour le continent africain mais aussi pour le monde puisqu'il pose l'Afrique au cœur des solutions de lutte contre le changement climatique.
L’Afrique peut-elle résoudre les problèmes du monde ?
Interviewé à l'occasion de ce sommet, Stephen Jackson, Coordinateur résident des Nations Unies au Kenya affirme que le continent africain abrite les solutions pour résoudre la crise climatique. Une affirmation se basant sur plusieurs faits. D'abord, le continent africain contribue le moins aux émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, le continent possède le premier poumon vert de la planète, avec la grande forêt du bassin du Congo qui séquestre à elle seule 600 millions de tonnes de C02 par an et qui possède la plus grande dotation naturelle en ressources énergétiques renouvelables. Enfin, l'Afrique dispose de la plus grande quantité de terres agricoles arables et pourra à l'avenir nourrir le monde entier. C’est une solution pour vaincre les crises alimentaires liés à l'accroissement de la population mondiale, car rappelons le, nous serons 9, 7 milliards d'êtres humains d'ici 2050.
La capacité d'adaptation des africains ne cesse d'impressionner. De ce fait, les populations parviennent à faire de grandes innovations avec le peu de ressources financières disponibles sur le continent. Le Kenya par exemple, produit 93% de son électricité à partir de sources vertes. Le grand défi maintenant est de multiplier ses innovations à l'échelle continentale, et surtout à l'échelle mondiale. Pour cela, le Sommet lance un appel au financement et à l'accès aux prêts d'investissements à l'innovation à travers un texte historique "La Déclaration de Nairobi". C'est un élan par lequel les états africains s'engagent à mettre en place des mesures réglementaires pour attirer des financements locaux, régionaux et internationaux. De plus, cette déclaration est surtout un texte qui appel les états les plus pollueurs à agir par le biais d'une taxe pour l'innovation, reversée au États africains.
Les pays riches pour financer l'adaptation
Ici aussi l'absence de financement freine la concrétisation des solutions innovantes pour lutter contre les crises climatiques à venir. Ces crises sont d'ordre humanitaire et climatologique. Les effets commencent à se faire sentir puisque l'on observe du nord au sud du continent, des périodes de sécheresse plus longues, de réchauffement plus intense ou encore d'assèchement irréversible des cours d'eau. La multiplication des phénomènes climatiques sur le continent le moins pollueur, comme le rappel la Déclaration de Nairobi en citant les conclusions du dernier rapport du GIEC, risque d'avoir pour conséquences dans les années à venir une généralisation des migrations climatiques et des famines comme c'est déjà le cas dans la corne de l'Afrique. On peut dès à présent noter que l'augmentation des catastrophes climatiques majeures sont déjà à l'origine de nombreux réfugiés climatiques dans les pays voisins mais également à l'extérieur du continent africain. Le reste du monde n'est pas épargnée, il faut donc préparer l'adaptation dès maintenant.
L’alerte est lancé et c'est la raison pour laquelle l'union africaine lance un appel au financement des innovations africaines. Un appel aux sociétés civiles internationales, aux organismes internationaux et aux fonds d'investissement mondiaux. Il ne s’agit pas de donner une unième "aide" aux pays dit pauvres, il s’agit plutôt d'exercer le devoir de responsabilité envers le continent le moins pollueur et le plus prometteur en matière de lutte contre le changement climatique. Sur ce point l'Afrique n'émet que 2% de gaz à effet de serre. Alors financer l’Afrique est une nécessité si l’on veut lutter contre les effets du réchauffement climatique. Cela inclus les vagues migratoires dont sont sujettes l'Europe méditerranéenne.
Par ailleurs, le Sommet Africain pour le climat veut montrer un universalisme dans sa mission pour le climat.
Effectivement, quand bien même l'union africaine en est l'organisateur, et le Kenya, pays hôte, le Sommet affiche des partenaires bilatéraux tel que l'état français, l'union européenne, le gouvernement de Danemark, l'état allemand mais également des fondations philanthropique comme la fondation Rockefeller, la fondations Bill and Melinda Gates ... Laissant penser à certains égards que ce défis africain est aussi la continuité des politiques environnementales du Nouveau Pacte Mondial pour le Climat.
La place des jeunes africains dans la lutte contre le changement climatique.
Avec 60% de sa population âgée de moins de 24 en 2020, soit 800 000 millions de personnes, le continent africain demeure une exception mondiale.
Dans les conditions idéales, cette jeunesse est un moteur d'innovation et de développement pour le continent.
Malheureusement ceci est loin d'être le cas puisque les états africains témoignent encore aujourd'hui d'un retard en matière d'éducation de qualité, d'emploi et d'infrastructures pour sa jeunesse.
Une jeunesse pourtant consciente des enjeux à venir, certes, mais vivant dans un mode de gouvernance encore trop verticale et dans lequel elle est encore trop souvent mise à l'écart. C'est ce dont souligne la militante climatique Vanessa Nakate. Présente à Nairobi lors d'une manifestation à l'occasion de ce sommet, l'ougandaise de 26 ans dénonce le manque d'engagement concret des principaux pays pollueurs, à payer les 100 milliards d'euros par an promis en compensation de leurs émissions de gaz à effet de serre. Un engagement qui devait être fourni en 2020, mais que le continent africain peine à faire respecter par manque de levier. La jeunesse africaine qui rejette désormais ce statut de victime, veut se faire entendre, et revendique des solutions fait par des africains pour les africains et dans un contexte africain.
En attente d'un tel tournant, et pour répondre aux objectifs de développement durable, des événements connexes de renforcement des capacités des jeunes et de sensibilisation ont été menés mais c'est sous des initiatives onusiennes.
Alors ce sommet, réussite où échec ?
Si l'initiative est louable, et les projets prometteurs, on peut dès à présent noter le manque de visibilité du sommet sur le continent africain. Un manque qui se caractérise principalement par l'absence d'intérêt de la part de la société civile africaine alors que celle-ci est le premier acteur de ce changement. Doit-on en déduire que celle-ci ne se préoccupe pas du climat ?
Ce n'est pourtant pas le cas. Le problème de fond reste d'une part la priorité des sujets sociétaux et d'autre part le relais de l'information. Premièrement le continent est secoué par une succession de coup d'états. Rappelons-le, d'abord le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Niger et tout dernièrement, le 30 Août 2023 le Gabon. La jeunesse africaine, épris de liberté à les yeux rivés vers ses événements. Ensuite, les médias publics nationaux n'ont pas suffisamment relayé les enjeux de ce sommet pourtant historique.
Autre point important, la liste des participants au Sommet Africain pour le climat fut principalement composée de diplomates internationaux, de représentant étatiques des pays dit riches, et des start-ups qui ont déjà saisi le potentiel économique souhaité par la Déclaration de Nairobi. Les acteurs locaux du climat incluant les acteurs politique écologistes, les militants et la société civile n'étaient que peu ou pas visibles.
Tout compte fait, ce sommet fut une petite réussite pour le continent africain qui se saisi à présent de la question climatique. En effet, même si la démarche reste symbolique et les promesses nombreuses, une telle initiative ne peut qu'inspirer des africains prêts à agir concrètement en faveurs d'un développement économique durable.