Une fois par mois, ISO 26000 CENTURY invite un expert à partager sa vision sur une thématique environnementale donnée. Cette vision doit apporter une solution à une problématique sociétale observée. Ces apports scientifiques sont accessibles en "open source".  Les invités du siècle viennent de milieux différents, travaillent dans des domaines différents et vivent parfois sur des continents différents.


Ce mois de Novembre Kharl Pambou partage sa solution pour un meilleur accès à l'eau à Libreville, la capitale du Gabon, pays dont il est originaire.

L'accès à une eau de qualité, un défi pour le continent africain.

L'accès à l'eau potable reste un défi majeur dans de nombreux pays du globe et sur le continent africain en particulier. En effet, de manière générale l'Afrique démontre une défaillance des systèmes d'assainissement et de distribution d'eau. Cette défaillance se caractérise par des coupures d'eau fréquentes, par l'arrivée tardive de l'eau, et parfois même par l'arrivée d'eau trouble et impropre à la consommation. Les conséquences sur la qualité de vie des populations sont graves puisqu'elles rendent encore plus vulnérables des populations qui à l'échelle mondiale le sont déjà.


L'eau c'est pourtant la vie.

En tant qu'être vivants nous en sommes totalement dépendant. C'est aussi la raison pour laquelle l'accès à l'eau et à l'assainissement fait partie de l'objectif numéro 6 des ODD. Objectifs fixés par l'organisation des Nations Unis pour son Agenda 2023.
Sur ce plan, le 6ème objectif vise un accès universel et équitable à l'eau tout en appelant à une gestion durable des ressources d'eau, en particulier pour les populations souffrant de la rareté de cet or bleu.

Pour atteindre cet objectif, l'ODD n°6 fixe huit (8) cibles.
Cible 1 : l’accès universel, équitable, potable et abordable à l'eau.
Cible 2 : l'accès à des services d'assainissement et d'hygiènes performants. Ceci sous-entend la fin des défécations en plein air et une meilleure réponse aux besoins des femmes, des filles et des personnes vulnérables en matière d'hygiène.
Cible 3 : l'amélioration de la qualité de l'eau d'ici 2023. Cela suppose une offre  d'eau non polluée, avec peu ou pas de produits chimiques et de matières dangereuses.
Cible 4 : l'utilisation rationnelle des ressources en eau, et en particulier l'apprivoisement en eau douce.

Cible 5 : la mise en œuvre d' une gestion intégrée des ressources en eau à tous les niveaux.
Cible 6 : La protection et la restauration des écosystèmes liés à l'eau dès 2020.

Cible 6a : Le développement de la coopération internationale et l'appui au renforcement des capacités des pays en voie de développement dans les domaines  de l'assainissement, de la collecte de l'eau, du traitement des eaux usées, du recyclage et des techniques de réutilisation.

Cible 6b : L'appui et le renforcement de la participation de la population locale à l'amélioration de la gestion de l'eau et de l'assainissement.

Les gabonais ont-ils soif ?

Le Gabon est un état d'Afrique centrale d'une superficie de 267 668 km2, et d'une population de 2,3 millions d'habitants en 2020. Petit pays démographiquement parlant, mais riche par sa forêt, ses écosystèmes, et ses matières premières avec en tête de liste le pétrole qui a fait du pays un état membre de l'organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). Donc si on se demande si les gabonais ont accès à l'eau alors la réponse est "Oui".
La réponse est clairement "OUI" si on se base sur l’étude de l’ONU intitulée " Water Security in Africa". Selon ce rapport publié en début d'année, le Gabon se classe 3ème en Afrique en termes d'accès à l'eau potable. D'après l'étude, 80% de la population gabonaise a accès à l'eau potable.

Cependant, sur le terrain cette vision est plus contrastée puisque l'étude se penche essentiellement sur l'accès à l'eau en zone urbaine, et sur les infrastructures de distribution d'eau. Notons que le Gabon à le niveau d’urbanisation le plus élevé d'Afrique avec 1,5 million de personnes soit 80% de la population nationale. S'ajoute à cette population la part des étrangers vivants et travaillant pour la plupart dans les zones urbaines soit 416 000 personnes en 2020. Notons également qu'une partie des infrastructures de traitement et distribution d'eau dates de l'ère poste et pré coloniale. Le pays voit aujourd'hui sa population urbaine et nationale croître sans voir en parallèle une amélioration des infrastructures d'eau. Les conséquences pour les populations urbaines sont celles cités plus hauts : coupures journalières d'eau, rationnement d'eau par quartiers, mauvaise qualité d'eau (observation d'eau trouble ou boueuse), et bien évidemment cela engendre un risque sanitaire élevé sur la santé et le bien-être des populations.

Les conséquences pour les populations rurales sont humanitaires : pénuries d'eau, absence de réseau d'eau territorial, dépendances aux eaux de pluie et aux cours d'eaux, constructions  artisanales de puits d'eau.

 

Que dit l'ingénieur en génie des procédés ? 

Pour Kharl Pambou il existe deux raisons principales qui expliquent les pénuries d'eau dans certains quartiers. Elles sont purement techniques.

Kharl Pambou - Ingénieur en génie des procédés


    1. Les constructions anarchiques : Elles entravent l'accès à la distribution d’eau. Ces constructions non encadrées peuvent provoquer de gros dégâts parmi lesquels l'obstruction des canalisations ou l'endommagement de celles-ci, provoquant ensuite des fuites ou des interruptions de l'approvisionnement en eau.
    2. La mauvaise planification et l'insuffisance des systèmes de distribution d'eau. Là aussi c'est le résultat de constructions anarchiques ne respectant pas les normes d'urbanisme. Cela crée une réelle insuffisance, causant des pénuries d'eau dans certains quartiers de Libreville, Owendo. Et cette situation est pire à l'intérieur du pays.

Comment résoudre ce problème ?

Tout d'abord l'état gabonais doit injecter des fonds dans la gestion des territoires ; Mettre en place des réglementations strictes et veiller à ce que les constructions respectent les normes en vigueur. Effectivement le chantier est énorme mais c'est faisable. Aussi, il faut penser décentraliser la question de l'eau pour garantir une meilleure gestion et surtout pour une meilleure prise en compte des attentes des usagers. Selon monsieur Pambou la distribution de l'eau dans les communes est généralement sous la responsabilité de la municipalité ou de la compagnie d'eau. Ils sont donc responsables de l'entretien des infrastructures tels que les réservoirs, les canalisations et les stations de traitement d'eau. Ce sont là des acteurs qui à l'avenir devraient être soumis à un devoir de responsabilité passible de sanction en cas de non remplissement des engagements auprès des usagers.

Le Gabon est un jeune état où les ressources pour un développement durable ne se font pas rares, et, qui a tout à construire.



Les nouvelles technologies au service de l'humain.

Les ingénieurs gabonais doivent penser "Nouvelles Technologies" insiste Kharl Pambou. Cela peut paraître évident car nous sommes dans un monde qui bouge et les états développés ont déjà implantés les solutions technologiques dans la gestion de l'eau, et ça marche. En Afrique et au Gabon en particulier, l'utilisation des nouvelles technologies pour répondre à ce type de problème n'est pas encore systématique, pourtant cela peut aider à améliorer la gestion d'eau.
Les technologies de purification d'eau, telles que les systèmes de filtration par osmose inverse peuvent également être utilisée pour fournir de l'eau potable de haute qualité.
Il y a également les capteurs intelligents. Leur utilisation dans les canalisations peut aider à détecter les fuites et les problèmes de pression plus rapidement, permettant ainsi une réparation plus rapide en cas de fissure. Bien sûr cela suppose d'avoir des interventions de qualité. C'est-à-dire que la présence, la disponibilité et l'efficacité des techniciens de terrains doit être au rendez-vous pour garantir le bien-être des populations.

Outre une efficacité en termes d'intervention, les systèmes de télégestion permettraient une meilleure surveillance du réseau de distribution à distance qui faciliteraient ainsi la détection des problèmes et la prise de mesures correctives rapide.

Un mot, Synergie.

Enfin, nous devons travailler en synergie. Les autorités publiques (gouvernement, municipalités, professionnel de l'urbanisation), les professionnels du secteur de l'eau et les usagers doivent coopérer pour garantir un accès fiable à l'eau.
Les autorités peuvent augmenter la capacité du réseau d'eau, et le Gabon a de la chance car c’est un pays à forte pluviométrie. Bien évidemment, pour que cela soit une réussite, il faudrait mettre en place des techniques durables de conservation d'eau mais aussi Sensibiliser le grand public sur l'importance d'une gestion responsable de cette ressource.


L’ouverture du marché, une solution envisageable.


Une autre solution pour un jeune état en plein essor serait l'ouverture du marché. L'état peut faire des appels d'offre pour garantir une concurrence saine qui permettra, sur le long terme, d'améliorer le réseau public d'eau et d'offrir aux usagers des tarifs attractifs et accessibles.

Pour nous ISO 26000 CENTURY, le chemin est long mais il a le mérite d'être claire. Surtout dans le contexte actuel où le pays vit une transition politique inédite qui tend à restructurer les institutions étatiques et à mettre le Gabon sur la voie du développement. La question fait clairement partie des besoins centraux de cette nation.